Chine partie 4 : le nord du Sichuan, contre vents et flocons
Du 19 mai au 29 mai 2015
Cette nuit, il a neigé sur Litang.
La journée débute par un petit col couvert de neige, et caché dans les
nuages. Nous arrivons au sommet en même temps que Michael, un motard suisse rencontré
à Litang (pour la petite histoire, Michael va tenter de rentrer au Tibet
déguisé en tibétain, sans se faire pincer par les autorités chinoises... on
croise les doigts pour que tout se passe bien pour lui!)
Le temps de faire une petite photo ensemble, les nuages se lèvent et le
soleil illumine les montagnes autour de nous.
Pendant 10km, nous sommes sur la route qui mène de Chengdu à Lhassa : on
n'a jamais croisé autant de cyclo-voyageurs! Il y a plus de vélos que de
voitures, un rêve! Il s'agit en fait de cyclo-pélerins chinois, qui partent au
Tibet dans le cadre de voyages organisés... à vélo. Comme quoi, ils ne sont pas
tous adeptes des voyages en car!
Nous arrivons sur une
route déserte qui traverse une magnifique vallée verte et brune, bordée de
sommets encore enneigés. Seuls quelques campements nomades sont installés ici,
avec leurs yaks et quelques chevaux. Des vautours se laissent porter par les
vents ascendants. Des centaines de grosses marmottes détalent en nous voyant. Au
bout de la vallée, quelques lacets mènent au col. On se fait attraper par une
forte averse de grêlons; mais ça ne dure pas, et bien vite le soleil reprend sa
place. Alors, la route et la montagne se mettent à
fumer. Ils sont beaux, les troupeaux, au milieu de ces nuages de vapeur.
Deux hommes à motos rejoignent leurs campements
Dans les lacets qui se trouvent derrière le
col, nous surprenons un groupe de vautours occupés à se disputer la carcasse
d'un yak. Puis, c'est parti pour une longue descente...de 45km! Arrivés dans la vallée suivante,
nous la remontons pendant 200km. C'est une vallée très étroite qui devient même
une gorge, de temps à autre. Lorsqu'elle s'élargit un peu, on débouche sur un
village et quelques champs. Pas facile de trouver des endroits tranquilles pour
camper...!
Sur les montagnes autour des villages, il y a des centaines de drapeaux qui forment des motifs géométriques
Les fenêtres tibétaines, on ne s'en lasse pas!
Les toilettes suspendues au premier étage, pratique
Petit dèj' de sportif
Nous faisons la connaissance d'une vieille
dame tibétaine. Elle nous offre de l'eau chaude, un petit pain et du zamba :
une préparation typiquement tibétaine. Elle montre à Marion comment en préparer
: il faut verser un peu de thé chaud sur de la farine d'orge, malaxer, ajouter
du beurre de yak et un peu de sucre. C'est pas mauvais! Par contre, l'eau ne
devait pas être propre... et Marion est malade la nuit suivante et le
lendemain.
Dans le petit bol, c'est du zamba
200 km dans cette gorge, sur une route déserte
Ponctuée de petits villages et des stupas pour nous distraire!
Le socle en terre, le dernier étage en bois
Un tri-moulin à eau à prières
Un pont avec des piles hydrodynamiques, pas cons les anciens!
Nous rencontrons aussi un jeune moine qui
vient nous rendre visite un soir, alors que nous sommes en train d'arranger la
tente et de cuisiner. Il est complètement fan de notre installation, et surtout
de notre réchaud! Il reste un long moment avec nous, à nous observer, avec une
curiosité bienveillante, qui n'est pas vraiment gênante.
Une petite visite tout en sourires
Ce tibétain se rend comme nous à Ganze. Il a trouvé des "champignons chenilles" et va les vendre en ville. Ils se vendent cher car sont très appréciés pour leurs vertus médicinales et aphrodisiaques.
À Ganze , nous
passons une nuit dans une petite et sympathique guesthouse familiale, avec une
très belle vue sur les montagnes. C'est une petite ville typiquement tibétaine,
avec de bons restaus qui servent des soupes de "djao dzeu" (raviolis
vapeur à la viande), un monastère, un petit marché et une quantité de magasins
de vêtements pour moines.
Sympa la vue depuis notre chambre d'hôtel!
Une boutique de vêtements pour moines.
Une vue typique d'un village de la région : en arrière-plan, le monastère.
À Manigango il
fait moche. Ça tombe bien, on laisse nos vélos là pendant un jour et demi, car
on part visiter le monastère de Dege. On confie nos vélos et nos sacs dans un
hôtel. Pas de chance, le temps de manger une soupe de djao dzeu, on vient de
rater le minivan pour Dege! On décide alors de faire du camion-stop. Par
chance, le premier camion accepte de nous embarquer : c'est parti pour 6h de
route sur une piste, dans les montagnes enneigées! Le chauffeur est super
sympa, on communique avec lui par signes, principalement.Il s'appelle Hun Chen Io Bu (ou quelque chose
comme ça).
Le monastère de
Dege n'est pas un monastère comme les autres : c'est aussi une importante imprimerie
de textes religieux bouddhistes. Nous pouvons la visiter, et observer les
hommes au travail. Les textes sont toujours imprimés de manière traditionnelle,
sans machine ni même électricité. Deux hommes se placent face à face : l'un des
deux maintient la matrice en bois où est gravé le texte. Il l'enduit d'encre à
l'aide d'une brosse. L'autre homme saisit un parchemin vierge et le place sur
la matrice. À l'aide d'un rouleau en tissu, le papier est comprimé contre la
matrice pour être imprimé. Ça parait simple, mais tout ça est exécuté à une
vitesse impressionnante. Chaque jour, 2500 pages seraient imprimées ici,
destinées aux monastères du Tibet entier.
L'imprimerie
est également une grande bibliothèque contenant environ 217.000 textes
tibétains, gravés dans le bois.
Un grand merci à Seb et Delphine, cyclos suisses rencontrés au Cambodge, de nous avoir indiqué l'endroit!
Dans le camion avec Hun Chen Io Bu
On passe un col enneigé sur une piste défoncée. Et là, pour une fois, on ne regrette pas les vélos!
Embouteillage de camions dans un virage
La bibliothèque de textes gravés dans le monastère
Les imprimeurs travaillent à toute allure, par deux
Sur le toit du monastère
Ils font le tour du monastère, chapelet à la main, en récitant des prières
Lui, il préfère méditer depuis son canapé
Notre trajet de retour à Manigango, en camion-stop également!
Il pleut toujours à Manigango. On se dit qu'on pourrait aller à l'hôtel ce soir...
on prend une chambre dans le seul
établissement autorisé aux étrangers. Mais, rapidement, on se rend compte qu'on
n’est pas seuls : de gros rats viennent nous rendre visite, et ils en profitent
pour grignoter nos galettes de pain. Piqués au vifs, on exige de se faire
rembourser, et on s'en va, fiers comme des papes, sous la pluie à 23h. Mais
lorsqu'on traverse le village et qu'on se fait courser par des chiens dans
l'obscurité, on fait a moins fière allure!
Heureusement, à
2km de là, on trouve, à la lampe torche, un endroit tranquille pour planter la
tente. Vive la tente. C'est notre petit chez-nous et il n'y a pas de rat, ici,
non mais!
Tente 5 étoiles !
Les quatre
jours suivants, nous pédalons toujours en direction du nord, à travers les
hauts cols du Sichuan. Les paysages sont toujours aussi grandioses. Les photos
parleront mieux que nous...
Au sommet, on croise un chien voyageur qui passe le col avec nous
Et encore un...
Dans les montées et dans les descentes, jusqu'à la destination finale...
Étienne a développé deux passions simultanées.
La première
pour les vautours. Dès qu'il en voit un, il faut absolument qu'on s'arrête pour
un shooting photo digne des plus grands mannequins. Et pourtant, les vautours
sont loin d'être élégants!
Sa deuxième passion,
c'est les cornes de yaks. Il y en a qui traînent dans les prés, au bord de la
route. Mais le mieux, ce sont les carcasses de yaks avec lesquelles il faut se
battre pour séparer la corne de l'os! Je vous dis pas le poids supplémentaire
dans les sacoches...
Quand nous les surprenons pendant leur repas, les vautours se sauvent maladroitement et nous regardent d'un mauvais œil...!
Etienne qui essaye de séparer la corne du cartilage...
Une chose nous frappe, depuis quelques jours : c'est la première fois du voyage que nous voyons autant d'animaux sauvages. Il y avait des singes en Malaisie, des oiseaux en Thaïlande... mais ici, nous voyons des marmottes, des aigles, des vautours, de grosses souris, et des renards.
Saurez-vous les reconnaître? Le canard sauvage, le vautour, le coucou, la buse et l'aigle
Un renard
Un soir, nous plantons la tente à proximité
d'un campement de nomades. Nous recevons la visite d'un jeune homme. Il a traversé
le ruisseau glacé avec ses baskets, et il n'a même pas froid! Il aime bien nos
biscuits et nos photos de voyage. Il nous parle du dalaï-lama qui est en exil,
et il nous raconte qu'il possède 101 yaks. Le lendemain matin, c'est une femme
portant un bébé qui traverse le ruisseau pour partager notre petit-déjeuner.
Ces rencontres sont à chaque fois des cadeaux, des moments tout simples mais
qu'on n'oublie pas.
Pendant ces
derniers jours dans le Sichuan, nous sommes, pour la première fois de notre
voyage, attaqués par des chiens. Ce sont d'énormes chiens noirs, qui
ressemblent à des ours. Dans chaque village, il y en a au moins une bonne
vingtaine : certains sont attachés, et d'autres non... Dès qu'ils nous
entendent, c'est parti, ils aboient d'un air méchant. Ceux qui le peuvent courent
vers nous à toute vitesse, et nous avons juste le temps de nous baisser pour
ramasser des cailloux. Certains chiens s'arrêtent à quelques mètres et
s'éloignent sous nos hurlements et sous les cailloux. Mais il y en a quelques-uns
qui nous ont bien fait peur. Une fois, un gros chien ne s'est pas arrêté devant
Étienne : il a foncé dans le vélo et a l'a fait tomber. Une autre fois, deux
chiens très agressifs se tenaient à un mètre de Marion. Ils bavaient,
grognaient, montraient les dents, et faisaient mine de mordre à la première
occasion.Marion était bloquée là, à
jeter des cailloux et à crier, l'angoisse montait. Heureusement, un camion est
apparu au bout de la route. Le chauffeur s'est rendu compte de la situation, et
il a manœuvré pour venir se placer entre les chiens et Marion, qui a pu se
sauver. Ouf! Merci chauffeur!
Les yaks sont plus sympas que les chiens...
Un petit mot
sur les moines tibétains. Ici comme ailleurs, nous sommes souvent choqués par
la richesse qui émane du monde religieux. Les monastères sont clinquants, en
travaux, à la taille souvent démesurée. Les moines semblent oisifs. Ils font
des tours à motos, et les jeunes jouent parfois aux cons sur la route pour
s'amuser. Ils portent des lunettes de soleil, possèdent des tablettes et des
smartphones, se prennent eux-mêmes en photo. On ne croise presque jamais de
voiture ici : les Tibétains se déplacent en moto. Mais lorsqu'une 4x4 apparaît
sur la route, elle est presque systématiquement conduite par des moines.
L'autre jour, on voit même un moine qui paye un homme pour laver sa voiture...
Et après, ils nous demandent de faire des dons pour notre karma...!
Un monastère tout neuf, immense
Les monastères sont entourés de murs. Parfois, tout le village se trouve à l'intérieur de cette enceinte.
Une nuit nous
avons planté la tente au milieu d'une grande plaine. Il fait froid et venteux.
Et à notre réveil, la tente est couverte de neige. Dur dur de sortir de son sac
de couchage, ce matin-là!
La veille au soir
Au petit matin
Le petit dèj', on le prendra dans la tente!
L’Étienne qui voulait devenir aussi résistant que le Yak
Aujourd'hui est
une grosse journée : nous roulons 50km sur une piste défoncée, pierreuse et
gadouilleuse, pour atteindre un col (le dernier) à 4600m. Heureusement la neige
s'arrête de tomber dès les premiers coups de pédale. Nous mettons huit bonnes
heures pour arriver à bout de cette montée. Mais le beau temps ne se maintient
pas, et en milieu de journée, la tempête de neige recommence. Pour se donner du
courage, on se dit qu'on est des survivants. Mais les vrais héros, ce sont les
yaks, impassibles, et les ouvriers de la piste, toujours de bonne humeur : ils
nous lancent des "Tachidélé" en allumant une clope, alors que la
neige nous fouette le visage et qu'on y voit pas à trois mètres!
La longue piste...
Nous voyons
enfin le haut du col. Plus qu'un ou deux kilomètres. Marion est à bout de force
et se décourage parfois. Un homme arrêté au bord de la route nous observe un
moment, puis prend son élan, et se met à pousser le vélo de Marion pour l'aider
à rattraper Étienne! Merci merci merci!!!
À 18h30, nous
voilà arrivés en haut. Nous sommes à la frontière du Sichuan et du Qinghai, et
le macadam refait son apparition. Un berger à cheval est en train de ramener
ses yaks au campement situé un peu plus bas, côté Sichuan. Il vient nous
saluer. Il est beau, sous la neige, sur son cheval... Il nous invite à venir
manger et dormir au campement. Nous hésitons... mais l'idée de faire demi-tour
ne nous plaît guère et la fatigue nous pousse à refuser . C'était peut-être une
erreur.
Nous
redescendons sous la pluie, et, à la nuit tombée, nous demandons l'hospitalité
dans un monastère. Histoire de monter la tente dans un endroit sec. Nous voilà
immédiatement entourés d'une horde d'enfants-moines très curieux, pour qui nous
sommes l'attraction de la soirée! Nous les remercions pour le toit et la
théière d'eau chaude.
Les ponts sont tous décorés de guirlandes et de cailloux peints
Oups... un monastère tombé de la falaise...
Arrivée à Yushu
Le lendemain matin, nous arrivons dans la
ville de Yushu. Nous voilà arrivés à notre dernière étape, c'est la fin de
notre itinéraire à travers le Yunnan et le Sichuan, c'est la fin du plateau
tibétain.
À Yushu nous allons prendre un bus de nuit
qui nous emmènera à 1000 kilomètres d'ici, au pied du plateau. C'est trop injuste, il profite de la descente à notre place!
1 commentaire:
Coucou les amis,
Toujours aussi chouette à lire et regarder. Les photos sont magnifiques!
Plein de bisous!!
Enregistrer un commentaire