Du 27 août au 15 septembre 2015
Salam Aleik!
Dans le dernier article, nous vous avions laissés à Khorog, la ville la
plus importante (toutes proportions gardées) dans le massif des Pamirs. Après
avoir avalé un dernier kurutob, nous revoici en selle. Et MIRACLE,
quelle joie, figurez-vous qu'on roule sur du macadam!!! Mais bon, pas pour très
longtemps. Il faut bien profiter des quelques kilomètres qui nous sont ainsi
offerts, pour ainsi dire!
Côté afghan, la route est parfois entièrement creusée dans la falaise |
C'est toujours un bonheur de traverser les villages. La majorité des
enfants sont gentils, les adultes sont sympas, les vieilles personnes sont adorables.
Ce sont elles qui nous saluent de la manière la plus chaleureuse, la plus
touchante : un hochement de tête accompagné d'une main sur le cœur. Un beau
geste que nous tentons de leur adresser également en retour... quand l'état de
la route le permet!
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Comme vous l'aurez compris, on se sent souvent tout petits ici! |
Les pompes ne fonctionnent plus. Le shop de la pompe est une vraie bombe à retardement: il est rempli de grands tonneaux en plastique remplis d'essence! |
Un midi, nous rencontrons Grahm, un jeune américain, qui fait le même
voyage que nous, mais à moto. Il se trouve que nous nous trouvons alors devant
la maison de la jeune Marguna. Ni une ni deux, nous sommes invités chez elle à
boire le thé et à manger le déjeuner. Marguna a 17 ans et souhaite entamer des études
d'interprétariat à Douchanbé. Les femmes de la maison nous offrent du pain et une
sorte de gaspacho, frais et bien épicé. On discute un long moment tous les
cinq, assis sur la tapchan (la table surélevée), dans le jardin ombragé.
Pour remercier nos hôtes, nous leur offrons souvent du chocolat ou des
biscuits, et nous promettons d'envoyer des photos. Grahm, lui, est équipé d'un
Polaroïd qui lui permet de donner directement une photo aux personnes qu'il
rencontre. Ingénieux!
Un afghan qui sépare la paille du grain |
Sur ce genre de route, c'est toujours le camion qui a raison |
Un soir, comme tous les soirs, Marion tombe dans un sommeil de plomb sitôt le repas terminé. Pourtant aujourd'hui, nous avons une invitée spéciale : une camel spider est rentrée sous le auvent de la tente et s'apprête à passer la porte de notre chambre à coucher. Elle se trouve, pour être exacts, juste au-dessus de la tête de Marion! En panique, Marion se réfugie tout au bout de la tente. Et pendant la nuit fait plusieurs cauchemars. Non, mais avant de vous moquer, regardez un peu quelle tête elle a, cette affreuse bête :
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Oh trop mimiiiii! Les camel spiders peuvent atteindre 15cm de long... |
À Kalaikhum,
nous disons au revoir à l'Afghanistan : c'est ici que nous quittons la
rivière-frontière et franchissons les montagnes qui nous séparent de Douchanbé,
la capitale. Dans le petit homestay où nous passons la nuit, nous rencontrons
un couple de Parisiens qui voyagent en 4x4. Leur conversation nous transporte
tout près de la tour Eiffel, le temps d'une soirée...
Nous
franchissons, en deux demies-journées, le gros col qui nous fait définitivement
quitter la région des Pamirs.
Pour être tout
à fait honnêtes, après trois semaines intenses sur pistes et mauvaises routes,
on commence à en avoir un peu marre du vélo. Et on saisit donc toutes les
opportunités de réduire notre temps sur la route! Vers 9h30 du matin, un vieil
homme nous invite à boire le thé. Nous venons de partir après avoir bu deux
tasses de café, mais pourquoi pas. Nous nous installons sur la tapchan,
nous partageons le thé, le pain, et le yaourt fait maison. Fatima et Zurla, les
deux sœurs jumelles qui habitent à quelques maisons de là, viennent nous dire
bonjour et nous invitent chez elles. Pourquoi pas? Finalement, nous restons
jusque midi avec Fatima et Zurla. Elles nous montrent leur maison, leur
uniforme pour l'école, leur matériel scolaire (ici aussi, c'est la rentrée des
classes!), pendant que leur maman nous sert une soupe à la patate dans le jardin.
La famille compte sept enfants, comme c'est très courant au Tadjikistan. Les
plus grands sont partis travailler à Moscou ou étudier à Douchanbé, les ainées
se sont mariées. Nous accompagnons Fatima et Zurla sur le chemin de l'école, et
nous croisons l'une de leurs petites sœurs qui en revient : l'école, ici, ne
peut pas accueillir tous les enfants à la fois. La classe ne dure donc qu'une
demie-journée, pour certains c'est le matin, et pour d'autres c'est
l'après-midi!
Chez le vieil homme barbu |
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Zulfia - Fatima |
Sur le chemin de l'école |
Sur la route tadjike, nous rencontrons presque tous les jours des
cyclistes qui roulent en sens inverse. À chaque fois on s'arrête pour discuter,
c'est chouette. On rencontre souvent des gens supers. Mais parfois, lorsqu'on
est fatigués, qu'on cherche un endroit pour camper, ou qu'on veut juste avancer
pour s'arrêter plus rapidement... on n'est pas très sociables!
Une belle rencontre : Céline et Origan, couple franco-belge! Origan nous a bien fait rire avec la sa sacoche Bpost (poste belge)! |
Les derniers jours de vélo sont un peu durs. Nos corps commencent à nous
faire savoir qu'il serait temps de s'arrêter quelques jours : nous attrapons
tous des gastros, le dos de Marion se bloque pendant trois jours, Étienne est
fiévreux pendant deux jours. Douchanbé se fait désirer...
ENFIN! Nous retrouvons le macadam! Whouhou, ça fonce à toute vitesse!
D'autant plus qu'après un dernier col, nous descendons pendant 80km vers Douchanbé.
Belle récompense.
Ce matin-là, nous sommes invités à petit-déjeuner dans une maison près
de laquelle nous avons campé. L'homme de la maison nous explique que son père
est afghan, sa mère est tadjike. Il porte avec fierté le chapeau afghan. Ses
femmes, elles, sont très en retrait et font le service en silence... c'est
assez choquant. Seule la grand-mère, comme d'habitude, occupe une place
privilégiée et peut discuter avec nous.
Le bébé de la maison, objet de toutes les attentions lorsque les mots manquent pour communiquer |
À midi, nous sommes accueillis dans une autre famille. Nous pic-niquons dans
leur salon, partageons le pain qui nous est offert, et discutons avec la maman.
Son mari est parti à Moscou, elle élève seule ses cinq enfants. Elle nous dit
de faire attention sur la route : un attentat a eu lieu pas loin d'ici, et elle
prévient Étienne qu'il risque de se faire prendre pour un Salafiste, avec sa
barbe!
Le soir venu, nous remplissons nos bouteilles d'eau à la fontaine d'un
village, avant de nous mettre en quête d'un endroit où camper. C'est alors que
Zulfia sort de sa maison, et nous ouvre grand la porte : elle ne veut pas nous
laisser dormir dehors après les évènements de la veille.
Nous entrons, émerveillés, dans ce petit paradis. Toute la famille est
là pour nous accueillir et nous faire visiter les lieux : le potager, le
verger, le clapier à lapins (une centaine de petites boules de poil creusent
des galeries tout autour), les fours à pain, les trois vaches. Zulfia, qui est la boubouchka
de toute cette belle famille, nous montre comment elle trait les vaches. Sa
fille aînée, très motivée et dynamique, nous mime la fabrication du pain, du
beurre, du fromage et du yaourt. Nous discutons toute la soirée, dans la joie
généralisée, en mélangeant le russe, le tadjike, l'anglais et le langage des
gestes. Rapidement, Zulfia nous donne des noms tadjikes (Marion, c'est Sabrina, et Étienne... on a oublié!), et nous, nous la renommons Bernadette! Nous sommes servis comme des rois et les plats s'accumulent petit à
petit devant nous : confiture d'abricot, fromage frais, patates grillées,
raisin tout juste cueilli au-dessus de nos têtes... Quelle belle soirée. Nous
dormons dans une chambre, sur des lits (!), et le lendemain matin nous avons
tant de mal à partir. Alors que Marion se coiffe de son cheich cambodgien, les
femmes de la maison sont toutes unanimes pour lui offrir un voile digne de ce
nom : la voilà couverte d'un magnifique tissu mauve pailleté, on dirait un œuf
de Pâques. Ici le voile est un vrai accessoire de mode!
La famille de Zulfia (Zulfia est habillée en blanc) |
Marion porte son nouveau voile... |
Un futur champion de judo |
Nous traversons la petite ville de Vahdat, à l'ouest de Douchanbé. C'est
ici qu'a eu lieu un des deux attentats d'il y a deux jours : la ville est
quadrillée de militaires et de policiers. Sur les collines, il y a des snipers.
Tout au long de la route pour Douchanbé les contrôles de passeports sont très
fréquents, mais on passe sans problème.
Enfin, nous arrivons dans cette ville tant attendue! On rejoint sans
tarder la maison de Véro (warmshower rencontrée à Murghab dans l'article
précédent). Nous arrivons dans un véritable paradis. Ici, c'est la maison du
bonheur!
Une belle pub pour les selles Brooks!!! |
Véro travaille pour la Commission européenne en tant que chargée de
mission dans les domaines de la santé et de l'éducation au Tadjikistan. Elle a
vécu toute sa vie d'abord comme
volontaire et ensuite comme expat aux quatre coins du monde (dont 13 ans au
Rwanda). Elle rayonne de joie de vivre et d'histoires extraordinaires à
raconter. Son fils, Gabriel, a neuf ans. Il parle l'anglais à la perfection,
s'intéresse aux histoires de tout le monde, et déborde d'énergie 24h/24!
Véro et Gabriel logent gratuitement tous les cyclovoyageurs de passage :
la maison, en été, est toujours pleine! C'est une splendide maison, truffée de
livres et d'objets du monde entier. Un vrai paradis dans lequel chacun trouve
sa place : certains sont à la cuisine et préparent le repas du soir pour tout
le monde, d'autres se lovent dans les canapés pour bouquiner ou feuilleter de
grands ouvrages de photographie... Bref, comme à Bishkek, c'est la détente
totale.
Les cyclos |
Véro |
Et Gabriel |
Préparation du pain pour le Kurutob, plat traditionnel tadjike |
Sitora, notre professeur de cuisine tadjike, et le Kurutob terminé, après plusieurs heures de préparation! |
On s'installe pour une semaine, car il nous faut demander le visa
turkmène. C'est très facile :
- faire des copies couleur des passeports et des visas, dans une ville
où il est quasi impossible de trouver une imprimante couleur
- attendre 7 jours avant de revenir
à l'ambassade(NB : pour obtenir un visa de transit de 5 jours)
- revenir le 8e jour à l'ambassade
- payer 55 dollars dans la banque pakistanaise située à l'opposé de la
ville, le jour de la venue de Poutine à Douchanbé (le trafic est bloqué par des
milliers de policiers), et revenir à l'ambassade avant la fermeture
- sauter de joie en récupérant le passeport : récemment, ce visa a été
refusé à beaucoup de voyageurs.On a de la chance. En plus, il est super joli!
Pendant cette semaine, on se repose, surtout.
On rencontre des cyclos, on fait connaissance avec Véro, Gab, le chat,
et Canaille le perroquet. Lui, c'est vraiment un numéro. Il parle énormément,
imite nos voix, imite le chat, imite plein de sons idiots. Il nous fait
beaucoup rire.
La ville de Douchanbé a deux visages : d'un côté, son avenue principale,
et quelques une de ses perpendiculaires, sont agrémentées de hauts platanes, de
beaux monuments, d'immeubles bien propres et de parcs bien soignés. Mais à
l'intérieur des îlots, les quartiers sont faits de petites ruelles étroites, au
sol poussiéreux, bordées de murs aveugles ponctués de quelques portes-cochères.
Le bazar, lui, est très sympa.
Au bazar de Douchanbé, les vendeuse de fromage pour Kurutob |
Les points négatifs de Douchanbé, ce sont, sans hésitation, les policiers et le
trafic automobile! Les gens roulent comme des fous, sans aucun respect. Rouler
sur l'Avenue Rudaki est une épreuve... entre les queues de poisson, les
voitures taxis, le trolleybus, et la ribambelle continue de policiers qui
arrêtent une voiture sur deux... C'est d'ailleurs très rigolo de regarder ces
policiers : coiffés de grandes casquettes, ils se tiennent à leur poste, tout
le long de l'avenue, à une centaine de mètres les uns des autres. Ils portent
une sorte de matraque rose fluo qui ressemble un peu à un sabre laser, et
qu'ils font continuellement tourner autour de leur poignet. Pour passer le
temps, ils arrêtent tout le temps des voitures. C'est alors que le conducteur
sort de son véhicule avec un énorme sourire et serre chaleureusement la main du
policier. Ils restent comme ça un petit moment, puis le policier relâche son
étreinte, le conducteur peut repartir... mouais... on se demande toujours quelle
somme il est convenu de filer pour être tranquille!
Alors que nous nous promenons tous les deux dans le centre-ville, un
policier s'approche de nous et fait dégager tous les autres passants... c'est
louche, qu'on se dit. Il réclame nos passeports, nous lui donnons des
photocopies. Mais avant de les examiner, il faut que monsieur rejoigne sa
chaise en plastique située en haut du monument. Soit... une fois bien installé,
il exige de voir nos visas. Nous lui répondons qu'ils se trouvent à l'hôtel,
mais il persiste comme s'il suspectait que nous n'en avions pas. Ensuite
monsieur nous fait attendre une ou deux minutes, sans rien dire, le regard fixe
en face de lui. C'est alors qu'il ose enfin nous faire le signe auquel nous
nous attendions, bien sûr : il veut de l'argent! Directement, nous lui opposons
un NIET sans équivoque et nous lui faussons compagnie en rigolant. C'est
l'avantage d'avoir des photocopies de passeport...!
L'avenue Rudaki |
Un soir, on va voir un match de foot au stade de Douchanbé : Tadjikistan
/ Australie. Le stade est rempli de supporters tadjikes, bien sûr, les
supporters australiens ne sont que 5 ou 6! Tout le monde mange des graines de
tournesol au lieu de boire de la bière, l'ambiance est bon enfant, c'est très
chouette.
Comme sur Rudaki avenue, il y a des policiers partout |
Et Paf! La raclée...! |
Un autre soir, on va à l'opéra (ici, ça coûte moins de 4$!). Une drôle
d'expérience! Une mise en scène formidablement travaillée... telle qu'on ne
peut plus en voir chez nous! Les costumes scintillent, les décors en carton
sont presque réalistes, les guirlandes de fleurs envahissent la scène, les
éclairs et les étoiles illuminent le ciel... quelle féérie! Après 1h30 de
spectacle (tout en russe), l'opérette se termine : chaque chanteur s'agenouille
pour prier devant une fausse petite bougie, et deux anges en cartons s'élèvent
vers le ciel, tandis que le rideau se ferme. Ouf!
La salle de l'opéra est bien décorée |
Et la scène aussi...! |
Mais le temps passe, et nos visas turkmènes sont presque prêts... il est
temps de faire nos sacoches! Virgile ne partira que dans quelques jours : cette
fois-ci, nous partons juste à deux. Après avoir roulé en compagnie de Niko, de
Tanguy puis de Virgile, c'est la première fois depuis trois mois. Il va falloir
s'habituer... à mettre moins de pâtes dans la casserole!
le bon Rahmon qui cueille le raisin pour son peuple |
Le peuple apprécie! |
À seulement 70km de Douchanbé, nous entrons en OUZBÉKISTAN.
Voilà maintenant vous pouvez éteindre votre ordinateur et reprendre une activité normale. A ciao bon week-end :-)
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