Nous sommes sur l'île
grecque de Chios, et hier dans la nuit, nous avons raté le ferry pour Athènes.
Il a bien fallu trouver un toit où dormir, car un gros orage venait
d'éclater... un petit garage en bordure de route a fait l'affaire... mais ce
fut sans doute la nuit la plus inconfortable de notre voyage, entre les coups
de tonnerre, les phares des voitures qui nous réveillaient en sursaut, et les
aboiements de chiens.
Toujours est-il qu'aujourd'hui
nous embarquons, cette fois pour de bon. Avec nous des centaines de
réfugiés, en grande partie syriens, leur sac sur le dos et leurs couvertures
sous le bras. Il y a beaucoup de familles avec enfants, des femmes, des vieux. À
bord, des hommes ont placé leurs sièges en forme de cercle pour discuter
ensemble sur le pont et des couples boivent le thé sur le tapis plein. Mais
pour beaucoup c'est enfin l'occasion de se reposer, le temps de quelques
heures.
Le ferry éteint ses
moteurs lorsque nous arrivons au Pirée, le port d'Athènes. Il est minuit, nous
enfourchons nos vélos sans tarder, et trouvons fort heureusement un endroit où
planter la tente à seulement 9 kilomètres.
Nous sommes en Grèce pour
une quinzaine de jours. Cette boucle-détour n'était pas prévue initialement, mais elle s'est imposée comme une évidence au vu du temps qu'il nous
restait avant notre rendez-vous à Istanbul... et c'est aussi l'occasion pour
nous de recroiser notre ami Virgile, qui débarque en Grèce dans quelques jours!
Tout d'abord, direction
le mont Parnasse! Plaines et montagnes se succèdent, c'est très beau.
Nous découvrons avec grand plaisir les cafés et petits restaurants grecs bondés
le dimanche, même dans les petits villages. Les murs sont de couleur crème, les
places publiques sont bien aménagées, le soleil perce à travers les platanes.
5 minutes plus tard ces deux gamins, pour nous impressionner, ont tagué l'amphore située à gauche... On leur a fait comprendre qu'on ne trouvait pas l'idée géniale, et puis ils sont partis!
La ville d'Arachova
En redescendant du mont
Parnasse, nous arrivons à Delphes, une belle ville antique.
Sur le site de Delphes
nous avons la surprise de croiser plusieurs classes de collégiens avec
"l'accent du sud" accompagnés de leurs profs et de leurs pions... et
oui, c'est les vacances de février en France! On se promène autour du temple de Dionysos,
on rigole bien en écoutant les commentaires des ados, et on visite le musée.
Arrivée sur le site de Delphes
Les pierres sont énormes et elles s'emboitent parfaitement, un vrai petit bijoux!
Retour au bord de la
Méditerranée. En face de nous, le Péloponnèse. On longe la côte vers l'ouest,
jusqu'au grand pont qui nous permet de traverser ce bras de mer. Gros vent de
face. Une fois sur le Péloponnèse on longe la côte vers l'est jusque Corinthe où
nous avons rendez-vous avec Virgile. Gros vent dans le dos. Sur la route nous
croisons Erica et Peter, un couple de cyclos italiano-américain, que nous
avions rencontrés au Kirghizstan, avec qui nous avions roulé au Tadjikistan, et
que nous avions aussi croisé en Ouzbékistan... Encore un coup du génie des cyclo voyageurs, qui joue à les faire se rencontrer sans cesse de par le monde!
Un peu trop d'Ouzo...
Table de plage
Non, je ne me goinfre pas...je profite à ma façon
Après un accident, les grecs construisent des mini-chapelles en mémoire des morts, ou pour remercier Dieu si il n'y a que des blessés. C'est pas mal non plus pour la sensibilisation à la sécurité routière!
Le port de Nafpaktos
Le pont permettant de passer du continent au Péloponnèse
Chez les citrons, il y en a pour tous les goûts...
Marion développe un don pour prendre de magnifiques photos quand je mange!
Nous retrouvons Virgile à
Corinthe, et reprenons directement nos vieilles habitudes du Tadjikistan et de
l'Iran, comme un vieux couple : bonne bouffe et franches rigolades débiles!
On passe cinq jours tous
les trois, en faisant une boucle dans le Péloponnèse. Pas de chance, il fait
moche tout le temps, pluie et grisaille... mais pour une fois, ça n'entame pas
le moral de Marion, qui en fait même abstraction.
Le revoilà!
Et il nous revient avec le printemps! Ici, des bébé-figues.
Sur la route, quelques
visites :
Mycènes, une des
grandes cités de la civilisation mycénienne, avec ses tombes circulaires et des
murs cyclopéens dont les blocs ont des dimensions incroyables.
La porte des lionnes constituée de 4 blocs de pierre
Ils sont fous ces Mycéniens
Nafplio, une
sympathique ville portuaire, avec une immense citadelle et un joli centre
ancien.
Lendemain de carnaval à Nafplio
Le dernier étage c'était chez nous, pour une nuit. On a quand même été inondés, donc on est pas resté.
Nafplio vue d'en haut...
..et ça se mérite!
Épidaure, qui
était une ville où l'on venait se faire soigner en suivant tout un tas de
rituels (purifications à la source sacrée, sacrifices, régime alimentaire
particulier, encadrement "spirituel"...) pour, finalement, s'endormir
dans un "portique d'incubation" et se faire soigner, pendant son sommeil, par
le dieu médecin Asklépion. Les ruines sont fort abîmées, mais le théâtre
restauré est assez impressionnant.
Elle est vraiment douée
Nous quittons Virgile à
la fin de notre boucle, lorsque nous retournons à Corinthe. Nous partons vers
Athènes, à l'est, et lui part vers l'ouest. Il va embarquer sur un ferry pour
l'Italie alors que nous, nous retournons en Turquie. Derniers aurevoirs au-dessus du canal de Corinthe!
On a vu des tags "13" partout sur cette route, et à plein d'autres endroits. Apparemment il s'agit d'un groupe de supporters du Panathinaikos qui ont pour habitude de se retrouver à la porte 13 du stade.
Voilà comment le Péloponnèse est devenu une île...
On se reverra en France!
Un beau paysage bucolique avec sa petite chapelle et... son bateau échoué!
Le lendemain, nous voici
à Athènes. Nous y passons trois jours.
Dans lemusée
archéologique, nous retrouvons beaucoup d'objets issus des sites que nous
avons visités à vélo : Mycènes, Épidaure, Delphes. Tout est beaucoup mieux
expliqué ici, et nous avons enfin une vue d'ensemble sur les différents âges de
l'Antiquité grecque. Nous aimons particulièrement l'art pré-mycénien, mycénien,
et l'art minoen, avec leurs représentations d'animaux marins.
Le lendemain, nous
grimpons sur la colline de l'Acropole. Il y a beaucoup de touristes... il fallait s'y attendre! Mais bon, par
rapport à la haute saison, c'est probablement très calme. Voilà le Propylée d'entrée,
le sanctuaire d'Athena Nike (Athéna la victorieuse), le Parthénon (on se
rappelle nos cours d'histoire de l'architecture, à propos de ses proportions et
de la légère inclinaison de ses colonnes), l'Erechthéion (tout en finesse, en
complexité, et décoré de ses cariatides).
Puis, plus loin, l'agora avec le beau temple de
..., et des restes de tholos et de bouleutêrion. Une grande stoa a été
entièrement reconstituée pour abriter le musée de l'agora : c'est sympa de voir
à quoi ça pouvait vraiment ressembler! On révise sur le fonctionnement de la
démocratie athénienne. Bref, on n'arrête pas d'apprendre des choses... espérons
qu'on n’en oubliera pas trop!
l'Erechthéion
Au moins là je ne mange pas!
Le Parthénon
Le Propylée d'entrée
Voilà ce que devait donner les stoas (c'est une reconstitution)
Le troisième jour, nous visitons le musée de
l'Acropole. Un musée tout simplement génial. Le bâtiment, contemporain, est
très bien fait. On commence par monter une grande rampe, comme la rampe qui
existait auparavant à l'Acropole. Au premier niveau, tous les objets et toutes
les parties de bâtiments retrouvées au Propylée, au sanctuaire d'Athéna Nike ou
à l'Héraklion. Au centre : les 5 cariatides. Puis, tout le bâtiment pivote au
deuxième étage. On tourne dans une galerie qui a exactement les mêmes
dimensions que le Parthénon. Les frises, les métopes et les frontons sont restaurés
ou reconstitués (parfois il s'agit de moulures, car les originaux se trouvent toujours
au British Museum de Londres... et oui...) et sont placés aux bons endroits, de
sorte qu'on puisse bien s'imaginer ce que ça donnait. Tout ça avec une belle
vue sur l'Acropole. Vraiment chouette.
Mais avec tout ça, nous sommes restés dans le
centre touristique, et nous regrettons un peu de n'avoir pas trouvé de quartier
plus populaire et authentique. Par exemple, pas facile de trouver un petit
commerce de quartier... le centre est par contre truffé de restaurants. C'est
le troisième jour que nous trouvons enfin notre bonheur, dans le quartier de la
halle aux poissons. Un quartier comme on les aime, avec des épiciers, des
brocanteurs, des boulangers, des bistrots à tous les coins de rue, et de petits
cordonniers cachés au fond de leurs boutiques.
L'atelier d'un rempailleur
Marché aux poissons
Rien que pour ça on y retournerait bien...
Et pour finir, Athènes,
pour nous, c'est peut-être la ville la plus taguée et graffée que l'on
connaisse : il y en a partout. Que ce soit de simples graffitis ou des perles de
street art, on ne s'ennuie jamais dans les rues d'Athènes!
Un petit mot encore sur
ce que nous avons pu observer des conséquences de la situation économique du
pays. Nous avons tout de suite été frappés par le nombre de commerces fermés,
autant dans les campagnes que dans les villes. Une patronne de café nous l'a
bien confirmé : les affaires ne vont pas fort. Pourtant, nous, nous n'avons
ressenti aucune morosité dans l'esprit des Grecs. Au contraire, une joie de
vivre toute simple, un bonheur de l'instant présent pour ainsi dire... où chaque
café se déguste tranquillement, en terrasse, gorgée après gorgée, jusqu'au marc
de café.
Les rues sont très
vivantes, et les cafés sont tous squattés par des bandes de vieux copains!
Poissons grillés, tzatziki, mezze... à commander les uns après les autres, pour rester une après-midi entière à passer du bon temps
Nous avons également été
marqués par l'attitude des Grecs vis-à-vis des nombreux mendiants syriens qui
occupent les trottoirs. Jamais nous n'avons vu de Syriens chassés des
restaurants, jamais nous n'avons observé de méchanceté ou de râle-bol. Au
contraire. Nous avons vu des gestes de douceur et des signes de compassion.
Dernière vue sur l'Acropole
Lorsque nous retournons
au Pirée pour embarquer sur le ferry du retour (nous faisons de nouveau escale
sur l'île de Chios avant de rejoindre la Turquie), nous sommes très surpris :
en deux semaines, un immense camp de réfugiés s'est installé sur le port.
Devant des centaines de tentes, des bénévoles jouent au foot avec les jeunes
syriens. Nous, nous passons à vélo devant eux. On se sent bizarres. Quelle
chance, quelle terrible chance, quelle chance injuste nous avons d'être nés là
où nous sommes nés.
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